Je me balade avec mes deux petites filles, Anais et Maité. Elles ont cinq ans. Nous passons près d’un ruisseau bordé de magnifiques fleurs sauvages.  Les filles s’élancent à toute vitesse pour cueillir des fleurs à maman. Il va de soi, un bouquet chacune!  En moins de temps qu’il n’ en faut pour le dire, le petit jardin de fleurs avait disparu. Les filles sont souriantes et heureuses. C’est à ce moment que l’expérience débute!

Voici notre dialogue

– Vous avez cueilli presque toutes les fleurs pour faire un bouquet?
-Oh oui! Maman va être contente!
– Est-ce que vous pensez que d’autres amis vont passer par ici prochainement?
– Mais oui, c’est un parc, rétorquent les filles.
– Alors, comment vont-ils faire pour admirer les fleurs, si elles sont toutes arrachées?

Long silence

Ça mijote dans la tête des enfants. On sent que la confusion s’installe, le dilemme est présent.

– Nous allons les jeter, de répondre Anais.
– La prochaine fois, on pourrait peut-être admirer les fleurs sans toutes les cueillir?

Sur ces paroles nous quittons les lieux sans faire d’histoire ou de discours moralisateur.

Quelques semaines plus tard, nous marchons à l’orée d’un bois. Les fleurs sauvages sont abondantes. Je suis surpris de voir les enfants marcher en caressant les fleurs, mais sans les cueillir. Je n’avais pourtant pas donné de consignes à ce sujet.

– Elles sont belles n’est-ce pas?
-Oh oui!
-Vous pourriez en choisir UNE chacune et l’apporter à la maison?fleur

Dix minutes se sont écoulées pour choisir LA fleur avant de retourner à la maison.

Cette petite expérience démontre de façon convaincante notre habitude à vouloir «prendre» ou posséder. Plusieurs sites archéologiques sont aujourd’hui fermés parce que les touristes apportaient un «morceau» de l’endroit !

Transposons cette réalité dans notre vie personnelle.

Prenons l’achat d’une voiture. L’affection que l’on éprouve pour notre nouvelle bagnole est plutôt courte. Après trois ans, on commence déjà à lorgner vers les nouveaux modèles. On se fatigue rapidement de la nouveauté. Il en est de même avec les vêtements, les appareils technologiques, etc.

Il faut comprendre que l’objet n’a pas tant d’importance que cela. C’est le statut social qu’il m’apporte qui me motive à toujours désirer. L’image qui me vient est celle d’un casse-tête. Chacun des morceaux est constitué d’une partie de mon moi. On y retrouve les objets et les relations humaines, qui ont du sens dans notre vie.

 

moi

 

Au fur et à mesure que mes capacités financières augmentent, je peux ajouter un nouveau morceau à mon «moi», une voiture plus luxueuse, un chalet, un voyage par année, j’espère un emploi plus payant, etc.

 

Ce gonflement du moi peut mener à une course folle, où la compétition est parfois forte! Le «paraître» exige beaucoup d’énergie. C’est du temps, de l’argent mal dépensé, et beaucoup de stress.

Autre élément. Plus on achète souvent, plus le plaisir s’accroît. Ceci nous donne l’Impression d’avoir du pouvoir et du contrôle sur notre vie. Notre égo se renforce à chaque achat. S’ensuit un cercle vicieux, d’une course aux plaisirs éphémères.

desir

 

L’auteur Erich Fromm nous dit ceci: «Je suis ce que j’ai. Je suis donc nécessairement tracassé par l’idée de perdre ce que j’ai».

 

Je me suis tellement identifié à mes possessions, que ceux-ci m’emprisonnent.

Par conséquent, la peur s’installe alors en moi. J’ai peur des voleurs, des crises économiques, de la maladie, et de l’inconnu. S’installe alors un faux sentiment de liberté et de sécurité basé sur les possessions matérielles. Pensez à la dernière fois où vous avez apporté avec vous  un double de vos clés, de vos cartes de crédit, que votre trousse de voyage contient plusieurs items en «doubles» juste au cas où…!

Il est surprenant de constater à quel point nous sommes programmés à accepter d’emblée le mode Avoir. Faites cette expérience: Observez le comportement des automobilistes à un carrefour où il y a quatre arrêts. Vous constaterez que lorsque deux véhicules arrivent en même temps, c’est très souvent celui qui le plus de valeur qui passe en premier! On dirait une règle tacite pratiquée par beaucoup d’automobilistes.

L’argent

L’argent n’est pas un problème en soi. On peut être fortuné et vivre dans le mode Être, ou pauvre, et vivre dans le mode Avoir. L’inverse est aussi vrai, tout est question d’intention, de relation.  J’ai connu des gens très fortunés qui étaient d’une grande générosité. Ils faisaient preuve d’ouverture, et de détachement face à la vie. De l’autre côté du spectre, j’ai rencontré des gens plus démunis qui mettaient toutes leurs énergies à rêver d’un monde meilleur. Ils étaient de grands consommateurs de loteries et de journaux à potins. Il est parfois plus facile de vivre sa vie, à travers la vie des autres. Par exemple, on se projette dans la vie d’une vedette, on suit ses moindres faits et gestes. On partage ses victoires et ses insuccès. Cette vedette ou célébrité devient une idole qui me permet de vivre notre vie par procuration. À ne pas confondre avec le héros qui lui, nous pousse à bouger, nous inspire, nous sert de modèle.

Le mode Avoir se construit avec des choses qui s’amoindrissent avec l’usage. C’est la roue qui tourne en un éternel recommencement. L’industrie de la mode l’a bien compris!

Le mode Être se construit par la pratique, le développement de la conscience, l’expérience et la créativité. Tous des éléments qui grandissent et évoluent. Personne ne peut vous enlever votre capacité de parler une troisième langue ou de jouer d’un instrument de musique.  Il en est tout autrement pour vos objets matériels qui vont un jour ou l’autre, disparaître. La philosophie bouddhiste est très intéressante à ce sujet.

Le plaisir ou la joie?

Nous vivons dans un mode de plaisir sans joie. Le plaisir correspond à la satisfaction d’un désir.  Il est souvent vécu rapidement et il est facile à combler. Les exemples sont nombreux. Le plaisir sexuel, de l’alcool, le succès social, etc. Les plaisirs sont souvent intenses, de courtes durées, mais ne sont pas générateurs de joie. À preuve, après le plaisir survient souvent une période de tristesse. Le sommet a été atteint et nous avons hâte à la prochaine fois.

 

joie

 

La joie quant à elle, nous fait grandir. La sexualité dans l’amour est un bon exemple. Le plaisir se consume alors que la joie nous alimente, nous nourrit. Faites un retour dans votre passé et remémorez-vous votre plus grand moment de joie.

 

Allez-y, faites-le, j’attends…

Vous constaterez qu’il s’agit d’un moment d’une grande simplicité, sans artifices, où vous étiez dans un état intérieur paisible, comblé de bonheur. Pour ma part, je me souviens du temps où je tenais ma fille de quelques jours endormis sur mon épaule. Un moment d’extase où le temps s’arrête.

Présent – passé – futur

Le mode Avoir se nourrit du passé et du futur. Pour ce qui est du passé on peut dire: «Je suis ce que j’étais». Un premier exemple, consiste à se réfugier dans la nostalgie parce que  j’y trouve un réconfort. Cela me permet de soulager mon présent. «Dans ce temps-là, les choses étaient tellement plus faciles». La nostalgie m’amène constamment à comparer mon présent avec la situation agréable du passé. Prenons l’exemple de Samuel qui a vécu une douloureuse rupture amoureuse à l’âge de 16 ans. Samuel a trompé Vanessa et il s’en veut. C’était la femme de sa vie selon ses dires! Ce qui est normal pour un jeune de 16 ans qui en est à ses premières expériences. Samuel, toujours rongé par la culpabilité va chercher sa «Vanessa» dans ses prochaines conquêtes. Vous devinez la suite… Aucune femme n’est à la hauteur de sa Vanessa. Sa nostalgie le paralyse et l’empêche d’avancer, de s’ouvrir à de nouvelles possibilités. Il est fort probable que sa vie adulte sera parsemée d’échecs amoureux à répétitions.

 

coeurs

 

Le passé amène ainsi son lot de regrets et de culpabilités. Un état intérieur qui peut nous mener à l’acceptation d’un supposé destin.

On peut aussi justifier son impuissance dans le présent, en mettant la faute sur une erreur du passé. Par conséquent,  le présent sera teinté d’illusions provenant d’expériences passées non résolues. C’est un peu comme une personne qui porte des verres  fumés. Tout ce qu’elle voit, entend, fait,  sera «teinté» par cette couleur.

Dans le mode Être, c’est «l’ici maintenant» qui domine. Vous l’avez déjà expérimenté lorsque vous êtes en train de faire quelque chose qui vous passionne. Vous oubliez la notion du temps, le présent prend toute la place. Vous êtes chez des amis, la soirée est fabuleuse, vous quittez très tard avec l’impression que le temps s’est arrêté.L’expérience créative se passe aussi hors du temps. C’est un petit moment d’éternité où le passé et le futur n’existent pas.

Et l’amour?

 

avoir

 

Au début de toute relation, et en particulier pendant la période de séduction, la situation nous pousse à «être». C’est à dire, donner à l’autre et le stimuler. C’est bien évident puisque nous «n’avons» pas encore l’autre. Lorsque la relation s’installe définitivement, il arrive que l’autre devienne une partie de mon Moi, un  morceau de mon casse-tête, quelque chose d’acquis, plus d’efforts à faire. L’autre m’apporte une stabilité affective, financière, un statut social, etc, c’est l’avoir qui domine.

Dans le mode Être, on considère l’autre comme un invité. Chaque jour, chacun des partenaires va nourrir et stimuler l’autre.C’est le don de soi qui alimente l’amour. Ainsi va pouvoir grandir la troisième entité qu’est le couple.

 

etre

 

 

 

Le bonheur

Dans le mode de l’Avoir on tire souvent son bonheur à partir de sa supériorité sur l’autre, en ayant plus que lui. « Dans le mode Être de l’existence, le bonheur se fonde sur l’amour, la partage, le don», relate Erich Fromm.

Il semble évident que toute expérience de bonheur véritable passe par une transition vers le mode «Être».

J’ai cherché plusieurs moyens pour faciliter cette transition. Une façon de quitter peu à peu l’illusion du mode «Avoir». Un outil vraiment efficace pour moi a été la pratique de la méditation. Ce fut pour moi le moyen le plus simple afin d’avoir accès à mon essence véritable, libéré des pressions extérieures. Cette pratique amène plusieurs changements dans notre état de conscience:

 

  • un lâcher-prise sur tout
  • l’acceptation de ce que je suis
  • la découverte de nouvelles idées ou de façons de faire
  • la libération des schèmes de pensées destructrices.

 

Mon ami Patrick Vesin m’a ouvert à cette réalité. Formateur de renom, il a su développer une méthode simple permettant de s’initier à cette pratique.

 

Je vous y invite dès maintenant.

J’ai expérimenté qu’une trentaine de jours suffisent pour enclencher un processus de transformation. C’est avec constance que les automatismes peuvent être reprogrammés.

En terminant, je vous donne mon meilleur truc. Avant de prendre une décision, toute simple soit-elle, je me demande toujours:  pourquoi?  Le simple fait de me poser la question m’amène à faire une pause, un arrêt nécessaire pour une remise en question. Faisant passer la situation dans le «filtre» de l’avoir ou être, mes idées deviennent plus claires et fidèles à ma nature profonde.  J’ai souvent utilisé cette méthode avec des personnes qui me consultent.

Le jeu des «pourquoi»:

– Pourquoi  te plains-tu toujours d’être fatigué?
Je dois travailler plus longtemps
– Pourquoi travailles-tu autant?
J’ai besoin d’argent
– Pourquoi?
Nous avons acheté un chalet et nous devons le rénover
– Pourquoi avoir acheté un chalet?
Pour pouvoir nous reposer.

Vous voyez le ridicule de la situation?

Je vous souhaite d’AVOIR du temps pour ÊTRE davantage!

Cet article a été rédigé après la lecture du livre avoir ou être? d’Erich Fromm.

Je me suis aussi permis de paraphraser quelques passages…frommerich_avoirouetre_1978_1

Son livre n’est par très récent, mais il toujours disponible sur amazon.ca

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